Par Benjamin L. – TheExpert UX/UI Designer chez Squad
Comme toute forme d'art, les jeux vidéo ont eux aussi leurs genres, sous-genres et autres catégories. On peut ainsi distinguer par exemple les jeux de sport, les FPS (tir à la première personne), aventure, puzzle, battle royale, etc. Abordons plus en détail une catégorie de jeux populaire depuis des années, vous l'aurez deviné : les roguelikes.
Et si vous ne voyez toujours pas de quoi on parle, voici quelques noms de jeux qui ont fait leurs marques : The Binding of Isaac, Spelunky, Dead Cells, Rogue Legacy, ou encore Faster Than Light.
L'origine : Rogue
A défaut d'un meilleur nom, la communauté des amateurs de jeux vidéo définit parfois un genre selon un jeu particulier, qui en a inspiré de nombreux autres. On parle par exemple de souls-like le jeux inspirés de Dark Souls, ou encore de Doom-like pour les jeux reprenant les caractéristiques de Doom.
Ainsi l'appellation roguelike provient donc du jeu sorti en 1980 sur les terminaux Unix : Rogue. Dans ce jeu, lui-même influencé par les jeux de rôle comme Donjons et Dragons, vous vous déplacez dans des souterrains pour retrouver une amulette.
Mais ce qui fait la particularité de Rogue et qui en fait la source d'inspiration de nombreux jeux actuels réside dans son système de jeu. Dans Rogue, vous n'avez qu'une seule vie et une seule sauvegarde. Si vous mourez, vous devrez tout simplement recommencer le jeu à zéro. De plus, les niveaux sont générés aléatoirement, il vous faut donc tout recommencer dans un nouveau contexte.
Les caractéristiques d'un roguelike
Les deux caractéristiques primordiales pour prétendre appartenir à la catégorie des roguelikes sont la mort permanente et la génération aléatoire des niveaux. "Mort permanente" signifie simplement que votre mort implique de recommencer une partie depuis le début, et ce peu importe votre avancement dans la partie précédente.
Pourquoi ces éléments sont-ils si populaires ? La mort permanente implique que la difficulté du jeu est maximale dès le début. En effet, chaque nouvelle partie est un nouveau challenge, mais ni plus difficile ni plus simple que la partie d’avant. Libre à vous de maîtriser peu à peu les codes du jeu, connaître les objets et leurs effets, et de vous frayer un chemin jusqu’à la “fin” présumée d’une suite de donjons. Pour faire simple, vous n’arriverez à progresser que si vous faite preuve de discipline et que vous réussissez peu à peu (ou plutôt partie après partie) à “dompter” le jeu. La gratitude et le plaisir d’enfin parvenir à surmonter un obstacle qui vous paraissait impossible il y a encore quelques parties, c’est la clé du succès de ce genre de jeux.
Pour ce qui est de la génération aléatoire (ou souvent procédurale) des niveaux, elle existe pour rendre le jeu toujours intéressant. Chaque nouvelle partie est ressentie comme une nouvelle aventure, avec son lot de découvertes, de chance, et la peur de ce qui peut vous tomber dessus à la prochaine salle. Cela vous permet de vous dire “allez, celle-ci sera une bonne partie”, en espérant ne pas tomber sur telle ou telle situation que vous redoutez. On remet les compteurs à zéro et on recommence dans un nouvel environnement. Ainsi, si vous progressez dans le jeu c’est grâce à vos talents (et certainement un peu de chance sur les objets que vous avez trouvés), et non pas grâce à un exécution que vous apprenez par-coeur.
Roguelike ou rogue-lite ?
Vous l’aurez compris, les jeux pouvant prétendre appartenir à la catégorie des roguelikes sont nombreux, et parfois très éloignés de leur ancêtre commun Rogue. En 2008 a eu lieu à Berlin la première Conférence Internationale du Roguelike. Dans cet évènement, une liste a été dressée pour définir les caractéristiques essentielles d’un roguelike : mort permanente, génération aléatoire des niveaux, importance des objets et ressources limitées, non-modalité (le jeu se joue de la même façon à chaque nouvelle partie et à chaque endroit des donjons), combats au tour par tour, graphismes en ASCII art, etc. Lorsqu’un jeu ne respecte pas strictement cette liste de critères, on parle parfois de rogue-lite, une version “allégée” d’un roguelike. Avec le temps, les joueurs et développeurs ont appris à généraliser le terme roguelike même si l’interprétation de Berlin n’est pas strictement respectée.
Ainsi dans de nombreux jeux, la mort permanente n’est pas tout à fait réelle car une petite portion de ce que vous avez acquis durant une partie vous est restituée à la partie suivante. C’est le cas dans Rogue Legacy par exemple, où vous pouvez augmenter vos capacités de base entre chaque partie. De même, beaucoup de roguelikes sont en temps réel et non pas en tour par tour. Il faut donc voir les roguelikes comme un patchwork de certains critères plutôt qu’une liste exhaustives de caractéristiques à respecter. On a pu ainsi voir naître des jeux comme Crypt of the Necrodancer, où le joueur doit se déplacer et combattre en suivant le rythme de la musique. Ou encore Slay the Spire, un jeu de carte où chaque combat vous permet d’améliorer votre paquet de cartes. D’autres jeux utilisent une progression proche des jeux de rôle, comme c’est le cas pour Darkest Dungeon par exemple.
Cette liberté sur les critères et leur adaptation permet de donner à la catégorie des roguelikes un large catalogue de jeux, tous très différents en apparence mais qui procurent les mêmes émotions.
Conclusion
Le terme roguelike a beaucoup évolué depuis la sortie de Rogue en 1980. De nombreux genres se sont mélangés, de nombreux codes ont été cassés ou raffinés, de nombreuses innovations ont été faites. Ainsi il s’agit désormais davantage d’éléments de jeux et de la recherche d’une émotion particulière chez les joueurs que d’une liste d’éléments à respecter. Tout porte donc à croire que les roguelikes ont donc de beaux jours devant eux.
Ressources :
Roguelikes and the Modular Genre
Roguelikes, Persistence et Progression
Roguelike Returns - How to Revive a Genre
The Evolution of Roguelike Design